Tool est unique

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Cela fait plus de onze ans que Tool a sorti son dernier album en date, le magique 10,000 Days. Dire que les fans du groupe sont forts impatients d’écouter les nouvelles compositions des Américains est comme vous l’imaginez bien au-delà de l’euphémisme. En plus, nous qui vivons sur le Vieux Continent avons vu sur scène Tool il y a maintenant dix ans, soit une éternité, alors que les spectateurs américains ont pour leur part eu le privilège d’assister à des shows épars du quatuor dans leurs pays.

C’est d’ailleurs à cette occasion que nous avons assisté au show du groupe à New York le 4 juin dernier dans le cadre du Governors Ball Music Festival qui se déroule sur l’île de Randall’s Island après avoir vu le groupe deux jours plus tôt au Centre Bell de Montréal.

Deux événements au sens propre avec une date à Montréal qui aura affiché complet, preuve que le terme « attente » est partagé par tous les fans du groupe à travers le monde lorsqu’il s’agit de Tool. Et ce tant sur la fameuse question du prochain album studio que pour les concerts. A Montréal, Tool se sera produit devant près de 17.000 personnes. Un public qui aura pour sa très grande partie vécu le concert debout, passant outre les sièges du Centre Bell également présents dans le parterre. Une audience aussi bien active que contemplative puisque Tool sur scène propose un show où des lumières très travaillées côtoient les projections sur les écrans géants : le tout pour un rendu grandiose et unique.

Il n’y a pas beaucoup de groupes comme Tool. Car les Américains ont créé avec ce groupe un projet artistique à 360 degrés qui dépasse le cadre de la musique. Tool est une formation baignée de spiritualité où les paroles conscientisées de Maynard James Keenan, son chanteur, amènent encore plus de profondeur à une musique qui n’en a pourtant jamais manquée. A en croire les réactions enthousiastes du public, particulièrement impressionnantes en live sur certains hits du groupe comme le « Forty Six & 2 » de Montréal ou le « AEnema » de New York, on a bien l’impression que cette alchimie dépasse la relation entre un groupe de musique et son public.

On parlerait ici plutôt de partage de valeur dans le cadre d’un humanisme profond. « Learn to swim » de la chanson « Aenema », « Between supposed brothers » de « Schism », « I’ll keep digging ‘til i feel something » de « Stinkfist » : à regarder la manière dont les visages de la foule ont réagi à ces moments forts du show et aux paroles de Maynard James Keenan, on ne pouvait que savourer cette osmose. Comme souvent en live, Maynard laissera d’ailleurs le public chanter la dernière phrase du morceau « Vicarious » qui critique la capacité de l’être humain à jouir du malheur d’autrui.

Musicalement, le groupe aura montré sa très grande solidité technique. Nous avons ici affaire à une sorte de metal progressif où la nuance des atmosphères et l’art de la montée en régime se combinent pour des chansons qui connaissent très souvent une voire plusieurs acmés. S’il arrive à Adam Jones (guitare) de faire quelques pains, le groupe dans sa globalité est impressionnant de maîtrise et de précision, même si le son du Centre Bell n’était pas optimal et celui du festival new yorkais trop fort. Sur la question de la technique, mention très spéciale à Danny Carey (batterie) dont la dextérité en live est toujours un régal.

Tool propose une musique éminemment puissante et intense qui se suffit à elle-même. Ainsi les musiciens n’ont pas besoin d’en faire des tonnes sur scène parce que le duo musique/show ne nécessite pas de corriger leur relatif statisme. D’ailleurs rares sont les groupes qui peuvent assumer d’avoir un chanteur que l’on distingue à peine car il a choisi de se situer sur scène au second plan, juste à côté du batteur ! Un parti pris qui, s’il peut surprendre le novice, colle parfaitement à l’identité d’un groupe qui se sent collectif plutôt que sommes d’individualités dans son rapport à la scène.

Si Tool était une somme, il serait plutôt une juxtaposition de quatre personnalités différentes qui toutes se battent pour la même chose : l’art. Malgré tout, le cas de Maynard James Keenan dans Tool est encore plus spécifique que les autres membres de Tool. Car à Montréal comme à New York, s’il prend le temps de saluer la foule d’un geste sur les ultimes notes de « Stinkfist », le dernier morceau du set, il rentre directement en backstage, alors que sur le concert du Centre Bell, ses trois collègues auront pris le temps de savourer les applaudissements d’une audience heureuse d’avoir assisté à un bon moment. Maynard, lui, choisit de rentrer en loge immédiatement car il n’est sans doute pas impossible, qui sait, que son aversion pour l’entertainment/show business se retrouve là.

Peut-être que Maynard considère que saluer la foule fait partie de ces étapes obligées de l’artiste dans lesquelles il ne se reconnaît pas ? Ce qui est sûr, en tout cas, c’est qu’il est franchement bizarre de voir trois membres sur quatre saluer une audience à la fin du set, faire une photo avec la foule derrière, alors que Maynard James Keenan est évidemment ultra important, en tout cas autant que les autres musiciens, dans l’entité Tool. Le choix de se mettre au second plan sur scène (effectué il y a déjà plusieurs années) et cet exemple précis de fin de set rappellent si besoin que le chanteur de Tool a une vision des choses très personnelle et que ses choix et sa manière d’agir peuvent troubler aussi bien ceux qui découvraient Tool sur scène que les fans les plus dévoués.

En fait, si le chanteur de Puscifer et A Perfect Circle choisit de se placer sur la droite de son fantastique batteur en live, cela s’explique par le fait qu’il considère que ce n’est pas à lui d’en mettre plein les yeux en termes de spectacle, puisque ce dernier est largement assuré par ce qui se trouve autour de lui. Et au final on ne peut que comprendre ce choix artistique du groupe en termes de représentation scénique tant l’impact visuel des concerts de Tool est gigantesque. Les musiciens jouant devant des écrans géants qui diffusent aussi bien des superbes images extraites des clips du groupe que de créations psychédéliques originales. Sur ce sujet les images rouges présentes sur un morceau comme « Jambi » ou à la fin de « Schism » sont juste magnifiques. La voix de Maynard, la basse pleine de vibrations positives d’un Justin Chancelloor souvent très souriant sur scène, la classe de Danny Carey ou le flegmatisme d’Adam Jones qui est la caution heavy du groupe : tout s’entremêle pour un rendu aux petits oignons.

Humour et sérieux se mélangent comme quand Maynard explique au public de Montréal au regard de l’actualité liée à Trump « Désolés, on est américains. Et on fait avec ». Sur un volet plus sérieux, il évoquera les ennemis que sont Facebook, Fox News, Washington Post, etc. qui selon lui manipulent les foules. Habillé en soldat, le chanteur chante parfois avec une sorte de talkie walkie qui fait que sa voix est filtrée. Il utilisera comme Adam Jones son clavier durant le concert. La setlist de ces deux concerts aura été la même, si ce n’est que le show de New York aura eu moins de titres (pas de « Parabol » ni de « Descending », pas de chansons rallongées comme « Stinkfist » à Montréal). Le groupe aura pioché dans sa vaste discographie dans le cadre d’une setlist best of dans laquelle on aurait évidemment vu plus de titres dont l’incontournable « Lateralus ». Lors des deux shows Danny Carey aura eu droit à son solo de batterie.

Ces deux concerts furent en tout cas impressionnants. Ils prouvent que Tool n’a rien perdu de sa superbe en live. L’avenir nous dira si c’est également le cas avec le prochain album studio devenu, au fil du temps, le Chinese Democracy du metal atmosphérique.

Setlist Montréal (via setlist.fm) :

The Grudge
Parabol
Parabola
Schism
Opiate
Ænema
Descending
Jambi
Third Eye
Forty-Six & 2
Intermission
Drum Solo
Vicarious
Sweat
Play Video
(-)Ions
Stinkfist

Setlist New York (via setlist.fm) :

The Grudge
Parabola
Schism (Extended Version)
Opiate (Extended Version)
Ænema
Jambi
Third Eye
Drum Solo
Forty-Six & 2
Sweat
Vicarious
(-) Ions
Stinkfist

Live report (également disponible sur le site de Radio Metal) : Amaury Blanc.

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