La transformation des émotions

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« Spinoza précise ‘qu’on ne peut réduire ou supprimer un affect que par un affect contraire et plus fort que l’affect à réduire’. Ce qui signifie que la raison et la volonté ne suffisent pas à supprimer une émotion ou un sentiment qui nous perturbent. Leur rôle consiste à favoriser l’émergence d’une émotion ou d’un sentiment plus puissants que ceux qui nous attristent, et qui parviendront seuls à éliminer la ou les causes de notre tristesse. Spinoza nous dit ainsi que le bonheur dépend non seulement de notre vigilance à éliminer pensées et émotions perturbatrices, mais aussi de la manière dont nous parviendrons à développer des pensées et des émotions positives.

Il ne suffit pas de s’atteler à éliminer obstacles ou poisons pour être heureux, encore faut-il s’attacher à galvaniser les forces de vie : nourrir la joie, l’amour, la compassion, la bonté, la tolérance, les pensées bienveillantes, l’estime de soi, etc. Là est le fondement contemporain de la psychologie positive qui insiste sur la nécessité de ne pas uniquement se concentrer sur nos problèmes, nos émotions perturbées, mais aussi et surtout de prendre en compte notre potentiel de vie et de développer tout ce qui est susceptible de nous aider, par nos propres ressources, à surmonter nos blessures et nos inhibitions. La meilleure manière de lutter contre la peur est de développer la confiance. De lutter contre la haine, de développer son contraire : la compassion.

Le bouddhisme tibétain, courant qui a le plus travaillé sur la transformation des émotions, s’inscrit dans ce registre et propose une véritable ‘alchimie des émotions’ : des exercices spirituels qui visent à développer l’émotion contraire à celle qui nous perturbe. C’est le cas de la méditation dite ‘tonglen’ : il s’agit de visualiser une personne ou une situation qui sont source de colère, de ressentiment ou de peur. Sur l’inspiration, on visualise de la fumée noire émanant de ces personnes ou ‘objets » négatifs, que l’on absorbe, et sur l’expiration on projette de la lumière blanche, lumineuse, vers ces ‘objets’ ou personnes. On peut ainsi passer progressivement d’une émotion négative à une émotion positive, d’une colère envers quelqu’un à un amour bienveillant, d’une angoisse face à une situation à un état de sérénité. »

Frédéric Lenoir, à propos de Spinoza (‘Du Bonheur’).