Massive Attack ouvre les yeux en les faisant fermer

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Le second concert donné par le groupe anglais au Zénith de Paris samedi dernier, la veille Massive Attack avait également livré un set devant une salle comble, a été riche par bien des aspects. Entrant dans la salle à 20H30 nous loupons malheureusement la première partie Young Fathers. Quelques minutes plus tard, la pénombre se fait et les pionniers du trip-hop montent sur les planches sous une belle ovation. Le combo démarre sur l’entraînant « Battle Box 001 » qui, avec son côté boum-boum, met bien dans l’ambiance. Peu éclairés, les membres de Massive Attack rejoignent leurs instruments et se positionnent sur la même ligne que les deux batteries, soit en retrait.

Comme si le groupe au presque trente ans de carrière voulait faire passer le message qu’en son sein comme à l’extérieur personne n’est au-dessus de l’autre.

Artiste : Massive Attack
Date : 27 février 2016
Salle : Zénith
Ville : Paris

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Que la lumière fut !

Car Massive Attack ne fait rien au hasard (au risque, parfois, de paraître hasardeux dans le propos comme nous le verrons plus tard). Le fait que l’avant scène soit uniquement réservée aux chanteuses et chanteurs qui participent au projet est évidemment logique (d’autant plus que le groupe l’a toujours fait) mais instaure de facto une distance entre les autres musiciens et le public pouvant être ressenti comme une forme de froideur. Néanmoins l’arrivée de Daddy G et compagnie sur le devant de scène mettra vite de la chaleur dans ce set où l’écran géant aura joué un rôle clé, à l’instar de ces lumières souvent minimales et sobres qui donneront à l’audience le sentiment d’être hors du temps dans un cadre rassurant.

Malgré tout, si la présence de l’écran géant est souvent bénéfique à un artiste, la sur-utilisation du combo anglais pose clairement question. Le fait qu’au deux tiers du show une certaine forme de lassitude visuelle s’installe du côté du spectateur est problématique mais n’est que la conséquence logique de la surabondance d’images reçues. Tout au long du set, le groupe n’aura eu de cesse de faire passer ses messages politico-sociaux (pro-réfugiés) – souvent dans la langue de Molière (qui en aura pris pour son grade parfois !) – à coup de chiffres, de citations, d’images, de dessins, de noms de marques, de mots, de symboles etc.

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Pas n’importe qui

Si l’écran permet au combo de diversifier le propos et de faire réfléchir les fans, il est un peu regrettable qu’il ait tendance à prendre le pas sur la musique. Difficile en effet de se concentrer face à tant d’images en provenance de cet écran qui finit par accaparer le regard du spectateur qui a l’impression d’assister à une tribune politico-sociale plutôt qu’à un concert de musique. Que Massive Attack, groupe conscientisé, souhaite ouvrir les yeux de son public sur les sujets qui lui tiennent à coeur, on le comprend aisément et c’est ce qu’il a toujours fait. Mais que Massive Attack le fasse en obligeant malgré lui ses fans à fermer les yeux pour se concentrer sur sa musique interroge, au final, sur le bien-fondé et le sens de l’acte en lui-même.

Cette manière de faire aura en tout cas souligné que le groupe envisage ses sets comme un Tout indivisible où beaucoup de choses se mélangent. L’écueil du fourre-tout n’est à ce propos pas loin quand, sur les écrans, on note aussi bien des phrases humoristiques (les citations souvent drôles en guise de recherche Google), ironiques (concernant Bernard Tapie, Kim Kardashian etc.), dénonciatrices (le fait qu’énormément de réfugiés syriens soient des femmes et des enfants ; l’apparition de marques de tous les genres), qu’un hommage aux victimes du Bataclan (dont tous les noms défileront au moment des rappels). Le combo a choisi de dire beaucoup via un seul support, un parti pris discutable car il a tendance à noyer la portée de ses messages en les mettant tous au même niveau. Massive Attack est en tout cas fidèle à lui-même en faisant réfléchir à sa manière sur les préoccupations de notre société moderne (« Est ce que je peux prendre de l’aspirine avec du Xanax ? », « Comment puis-je devenir riche ? » et « Comment me souvenir de mes rêves ? »)

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Un set très riche

Pour autant, ne restons pas submergés par les affres de l’écran géant, car ce show aura été une réussite en soulignant l’immense talent de ces musiciens impressionnants de maîtrise. Robert Del Naja (3D) et Grant Marshall (Daddy G), bien sûr, affichent comme d’habitude leurs groove et charisme. C’est également le cas d’Horace Andy dont la voix si particulière ne peut que subjuguer l’audience. L’interprétation des morceaux « Girl I Love You » ou « Angel » de sa part étant littéralement exceptionnelle. Plus tard durant le show, « Inertia Creeps » finira par titiller les hormones de ce couple toute langue dehors, situé devant juste devant votre serviteur, dont on sentait la frustration de ne pouvoir se déshabiller mutuellement à cause des milliers de personnes les entourant !

Il faut dire que les vibrations positives partagées par les Anglais sont réelles et « Unfinished Sympathy » restera à ce titre un moment fort du show avec la voix de Deborah Miller qui prendra aux tripes un Zénith stupéfait pas tant de classe. Un titre dont la beauté aura été magnifiée par la sobriété du propos : pas d’artifices mais juste des lumières bleutées et la qualité musicale au rendez-vous. Comme sur « Teardrop » chanté par Martina Topley-Bird ou le somptueux « Ritual Spirit » divinement interprété par Azekel.

Massive Attack est un groupe qui incarne à merveille la justesse et la diversité musicale. Ce n’est un secret pour personne et c’est ce qu’aura à nouveau montré ce concert. Cependant, la manière dont Massive Attack exprime ses convictions politiques doit sans doute être mieux jugulée sur scène pour éviter que ses revendications ne prennent le pas sur l’essentiel.

Setlist :

Battle Box 001
United Snakes
Clock Forward
Risingson
Paradise Circus
Ritual Spirit
Girl I Love You
Psyche (Flash Treatment)
Future Proof
Jupiter
Teardrop
Angel
Inertia Creeps
Rappels :
Safe From Harm
Take It There
Voodoo In My Blood (avec Young Fathers)
He Needs Me
Rappels 2 :
Unfinished Sympathy
Splitting The Atom

Quelques vidéos du concert :

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