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J’apprécie beaucoup Gojira. Sur le plan musical, tout d’abord, avec ce côté organique qui se dégage particulièrement de leurs premières œuvres. Mais surtout ce sont des artistes qui, sur le plan humain, font partie des personnes qui m’inspirent bien au-delà de leurs compos notamment parce qu’ils (me) transmettent beaucoup d’ondes positives par leur paroles, leur philosophie de vie et leur vision du monde.

Quand bien même, ce n’est pas parce que j’aime le groupe (et la personnalité des gars qui le compose) que je ne peux pas essayer d’avoir un semblant d’analyse objective sur le plan de la musique qu’ils proposent. Vous le savez peut-être si vous avez été habitué à me lire pendant des années sur RM, par « analyse objective » j’entends avant tout « honnête » ou en tout cas « lucide », l’objectivité – particulièrement dans le métier du journalisme et probablement en règle générale – étant pour moi une sorte de grand mythe puisque dans les faits je pense sincèrement que tout est toujours une histoire de perception.

Ainsi j’ai trouvé Magma, le dernier album de Gojira, très correct sans pour autant être à la hauteur des premiers albums du combo landais. Mais comme je n’ai pas assez écouté ce disque (jusqu’à maintenant il est passé sur ma platine seulement deux ou trois fois), je ne suis pour le moment pas en mesure de proposer une analyse approfondie/qui ait du sens dessus. Je peux juste partager ici l’impression d’un premier regard que je relativise au passage complètement car je sais « l’effort » que peut demander certains disques et/ou groupes (j’ai en mémoire par exemple ma découverte difficile d’un Tool par exemple).

Néanmoins quand j’ai lu la chronique de notre rédacteur Thibaud sur le nouveau Gojira, certains passages m’ont fait un peu sourire car son papier est vraiment dithyrambique et c’est clair que quand on lit la chronique de mon collègue on peut sentir qu’il a immédiatement été accroché par le disque et qu’il l’a particulièrement apprécié. Forcément je sais que tout le monde ne partage pas son analyse et je dois d’ailleurs avouer que j’ai beaucoup ri à la lecture du commentaire suivant d’un de nos lecteurs qui démonte littéralement notre chronique point par point. Le pseudo du lecteur est 12Tonehead et c’est clair que ce gars-là a une sacrée belle plume ! Plus globalement c’est la démarche de prendre le temps de démonter l’avis de Thibaud point par point, de manière aussi méthodique, qui m’a beaucoup fait rire. J’ai donc trouvé sa charge hyper drôle car pleine de fiel et d’ironie et très bien menée sur la forme. Le fond de son avis étant lui, évidemment, on ne peut plus discutable : le pompon du propos étant sans conteste de conclure la tirade en expliquant qu’en gros la chronique serait une commande du label du groupe, Roadrunner Records !

Son commentaire :

Bravo au chroniqueur pour son talent. La louange extrême, sans jamais se mouiller réellement et dire ce qui est
Très fort.

Analyse:
1- « Amène une nouvelle dimension » : cela ne prouve rien quant à la qualité ou à la pertinence de ladite dimension.
2- « Une aura presque chamanique » : why not and so what? C’est les images des vidéos qui lui font dire ça?
3- « Délivre un sentiment d’homogénéité » : on peut être très homogène dans le mauvais
4- « Une seule et même force motrice » : si le moteur est l’appât du gain par exemple, ou la volonté de plaire aux masses ça ne nous avancera pas beaucoup, hélas.
5- « Une « fusion » des éléments parfois contradictoires qui composent la vie » : des phrases qui semblent dire des choses essentielles, mais qui ne disent rien. Creux.
6- « Laisse une empreinte bien particulière » : très vrai de « Stranded » et « Silvera », mais pas dans le meilleur sens…
7- « Dix entités différentes qui servent le même discours, limpide » : mais encore ? Le chroniqueur, quant à lui, reste opaque.
8- « Les titres dévoilés, « Stranded » et « Silvera » auraient pu laisser dubitatifs les habitués du groupe » : intéressant comme d’un coup, le chroniqueur se dévoile : il est à la barre de la défense et il en chie. On compatit.
9- « Des chansons plus courtes aux refrains plus accrocheurs » : La véritable plaidoirie commence. Vous avez tort d’être dubitatifs, on va vous expliquer le truc.
10- « Une batterie qui mise sur une certaine simplicité et l’efficacité » : ah bon ? C’est donc voulu ? Mise et perd.
11- « Ce chant clair qui semble prendre une importance croissante » : on n’est guère rassurés, et on ne voit vraiment pas ce que cela prouve. L’avocat s’embrouille dans sa plaidoirie.
12- « La production est moins massive mais plus naturelle » : de l’art d’essayer de faire prendre des vessies pour des lanternes.
13- « Une palette extrêmement variée et de nombreux arrangements » : ne parlait on pas d’un « sentiment d’homogénéité » plus haut ? On s’embrouille un peu plus.
14- « Une musique plus directe sans trahir son propos » : marrant qu’il parle de trahison… Pourquoi donc parle-t-il de trahison ? Supputons.
15- « Volonté du groupe de faire rimer concision et maturité » : on dirait un texte issu d’un catalogue d’art contemporain. Traduction : il se fait vieux et n’a plus d’idées.
16- « Magma peut paraître moins technique à la première écoute, moins dense ou moins épique » : sans blague ! Mais il va encore nous expliquer qu’on est con et qu’on a rien compris, hein mon chéri ?
17- « En réalité il s’appréhende plus lentement » : nous y voilà : il faut faire un effort pour comprendre ; seules des écoutes répétées vont permettre d’appréhender le génie du truc. Une minute ! Il ne nous avait pas parlé, avant, de « discours limpide » de « refrains plus accrocheurs » de « musique plus directe ». Lost.
18- « La présumée transformation de Gojira en groupe de rock sans hargne » : voilà, il suffit d’ajouter « présumée », et pan dans la gueule des mecs qui pensent ça : ils n’ont rien compris. Et c’est intéressant qu’il se sente obligé d’écrire ça, le mec, c’est vraiment un putain d’aveu.
19- « Gojira magnifie toujours autant la brutalité avec une technique à la discrétion rare, à l’image du jeu de batterie de Mario, résolument épuré sans perdre en subtilité » : du grand n’importe quoi. Magnifier la brutalité en étant subtil et délicat. Plus brutal en étant moins brutal en somme. Passons.
20- « Surtout, Magma est porté par Joe Duplantier » : le lecteur commençant à comprendre qu’il va se faire gruger rayon riffs et rythme, notre ami change le débat pour parler de vocaux. Attention, je sens que le pire arrive.
21- « Une voix claire maîtrisée de bout en bout » : Ah, je ma pâme. Taylor (swift), attention ! La concurrence arrive !
22- « Une multitude d’attentions portées aux mélodies, bien davantage que sur les précédents opus » : ben c’est justement ce qui nous inquiète. La mélodie, y a Nelson pour ça.
23- « L’agressivité presque clanique » ?? C’est quoi ?
24- « Un riff d’une facture désormais célèbre » : comprendre : toujours les mêmes putains de riffs. Sans doute pas très bons, hélas. Déjà que l’enfant sauvage… Navrant.
25- « Aux relents de Sepultura » : relents ? Merci pour Sep, qui, malgré son état de décomposition avancée, n’en mérite tout de même pas tant. Saluons au passage notre chroniqueur qui vient de convoquer un ex-mythe vivant à la barre des témoins, sans risquer de bourepif tant ce dernier est mal en point. Sublime.
26- « Magma distille avec une aisance déconcertante ses temps forts » : aisance d’autant plus déconcertante que lesdits temps forts ne sont sans doute guère nombreux
27- « Un album à la profusion d’idées parfois préconçues, parfois impulsives. Organique en somme » : pour ceux qui ont du mal à suivre, je sous-titre : c’est un bordel sans nom où l’on peine à trouver ne serait-ce qu’une idée valable.
28- « Il est facile d’évoquer Magma avec des termes dithyrambiques »… mais plus difficile de donner réellement envie en décrivant exactement ce dont il s’agit. Evitons.
29- « Un album qui vit de la première à la dernière note sans jamais se travestir » : je viens de télécharger les sous-titres ; ça dit : ils ont retourné leur veste et n’ont même pas honte.
30- « Provoquant ce sentiment d’unité à l’image d’un Lateralus (2001) de Tool » : après Sepultura, Tool à la barre ! Bon choix, Tool c’est le pont entre le « true metal » et le monde informe du pop/rock. Rusé.
31- « Ainsi Gojira s’impose sans chercher explicitement à le faire, domine sans en avoir la prétention, se veut perfectionniste sans exténuer. Magma fait écho à l’humilité et l’honnêteté du quatuor qui l’a enfanté, en lui faisant honneur » : envolée lyrique de fin de chronique, totalement gratuite, mais que faire d’autre ? Comprenez-moi les mecs, j’ai ROADRUNNER sur le dos, faut bien bouffer… Pitié !!!!!!!!!!!!!!!!! »

C’est un peu le souci du discours de notre lecteur d’ailleurs, c’est que même si c’est rigolo et bien envoyé, cette seule phrase tend à décrédibiliser l’ensemble de son avis car on passe de la perfidie/mauvaise foi à de l’invention pure et simple. 🙂 En effet comment ne pas sourire face à ce type de conclusion qui a sans doute été piochée dans « La Dernière Edition Du Bon Petit Manuel Des Critiques Des Critiques » ? Le fantasme du journaliste musical acheté par le label est décidément la marotte des théories complotistes (du surfeur du web et de plein de gens) et j’avoue ne pas trop savoir d’où ça vient…

En tout cas ça me donne l’occasion d’expliquer aujourd’hui sur ce blog le rapport que je peux entretenir avec Roadrunner France puisque par cette phrase envoyée à la volée c’est finalement le fonctionnement imaginé du média que je dirige qui est évoqué, et comme je gère la partie marketing du média concerné, quelque part mon travail quotidien.

Voici comment les choses sont vraiment : aujourd’hui à Roadrunner Records, la branche metal de la major Warner Music, mon contact marketing en France est Manon. C’est elle qui attribue les budgets du label aux médias français pour la partie metal. Manon et moi nous travaillons ensemble depuis des années maintenant et nos rapports ont toujours été très courtois. Je pense même pouvoir affirmer sans me tromper qu’elle et moi on apprécie bosser ensemble. Néanmoins ce n’est pas parce que nos rapports sont cool que j’obtiens mes budgets marketing sur les sorties Roadrunner en claquant des doigts ! Haha. Ce serait bien trop simple ! Manon, comme tous mes interlocuteurs (des labels et des autres structures), a des contraintes dans son travail et si des gens pensent vraiment qu’un label et un média vont avoir des discussions du genre « Amaury je te file 5 000 euros sur Gojira par contre je veux que vous sortiez une putain de chronique hyper valorisante du disque !! », ils sont aux antipodes de la réalité des choses.

Exemples concrets : sur les dernières sorties pourtant importantes du label Roadrunner que sont Dream Theater, Trivium, Deftones et j’en passe j’ai eu en tout et pour tout 0 euro de budget de la part de Roadrunner. Et cela a été exactement la même chose pour le dernier Gojira. Du coup c’est toujours savoureux de lire parfois ici et là « qu’on est acheté par les labels » (parce qu’une chronique d’untel est bonne, parce que l’interview d’untel est longue, simplement parce qu’on parle d’un artiste etc.) alors que je n’ai pas vu de budget marketing de certains labels (dont les artistes sont pourtant régulièrement mis en avant sur le site) parfois depuis un bail !!

Mais si vous voulez tout savoir, peut-être l’avez-vous vu d’ailleurs sur le site, dernièrement on a plutôt bossé avec Warner Music France du côté marketing sur des sorties de type Biffy Clyro et les RHCP. Après vu de l’extérieur, peut-être trouvez-vous ça un peu étrange qu’on ait de temps en temps des budgets d’artistes plus orienté « rock » que « metal » sur une major comme Warner (ce que je peux comprendre car moi aussi je me pose de temps à autre la question du pourquoi) mais il est clairement évident que ce type d’artistes plus rock mainstream comme Biffy Clyro ou les RHCP touchent énormément de fans de metal et ont donc également leur place sur Radio Metal. Mais oui, ça peut en effet paraître un peu surprenant que parfois ce soit plus simple pour nous de bosser sur des artistes metal au sens large d’un label comme Warner plutôt que sur ses artistes metal pur jus. Après ces questions-là dépassent mon champ d’activité et je ne peux donc que constater les choses que moi je vois et je vis en tant que média. Et ce que je vois, c’est que la situation réelle des choses est aux antipodes de ce que sous-entendait le lecteur ci-dessus.

Ici se situe le sens de cet article : on n’est achetés par personne d’une part parce qu’on ne veut pas l’être et d’autre part parce qu’on a dans notre manière de faire les moyens de n’être dépendant que de notre matière grise. Économiquement de toute façon on a compris depuis un petit moment que pour que notre média avance en restant indépendant, il fallait avoir pour objectif de sortir du modèle financier purement pub du web (un modèle qui ne rapporte pas assez d’argent, en tout cas pour nous). Le but étant notamment, en parallèle des revenus pubs, de continuer à développer notre boutique qui elle est bien moins soumise aux aléas du marché dans lequel RM évolue depuis maintenant près de dix ans.

PS : Retrouvez toute l’actu de Gojira (interviews, chronique, news, photos…) sur le site de Radio Metal.

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